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LA PULSATILE Pouls de récits fragmentés

Dans le cours de la Muselle

Nature et Culture
Dans le cours de la Muselle

La rivière, c’est la Muselle. Une petite muse, mais pas si petite que cela puisque construite de deux bras, dont un lit est totalement naturel et creusé par le temps. Elle sinue et contourne certains obstacles pour filer vers un ailleurs. Presque à sec à certains endroits de Saint-Avit-les-Monts, à quelques époques de l’année, elle grossit ailleurs, plus en aval, où on la laisse suivre son cours dans des endroits moins urbanisés, plus naturels. Car à Saint-Avit-les-Monts, on construit des maisons sur d’anciens prés, où les vaches, les chevaux et les ânes se côtoyaient en toute sérénité, pour monter sur pilotis des habitations cubiques, imposantes et prétentieuses pour nouveaux riches en quête de rivière. Des petits hommes d’affaires colonisent les bords de rivière et profitent d’une herbe bien verte pour y installer leurs fauteuils gonflables aux couleurs vives pour se prélasser au soleil, quand il est là, un verre à la main, sur des terrasses où poussent de petits palmiers. Un nouvel eden, un nouveau paradis de verdure et d’eau, et l’eau coule moins pour ne pas perturber le cours de la vie de ces hommes et de leur famille en quête de sérénité, après une journée de travail où l’argent est le maître de chant. Le frère d’Estelle Rosette, directeur du centre commercial, fait partie de ces nouveaux bienheureux et a pu faire construire une de ces maisons imposantes dénuées d’harmonie et de charme. Rien ne transpire de ces habitations aux allures certes contemporaines, où les bons architectes ont fait défaut. Des maisons de constructeurs sans grâce mais qui vivent en état de grâce dans les verts pâturages de Saint-Avit-les-Monts. Il a certainement fallu contourner les directives de la préfecture pour donner le droit à ces hommes d’argent d’obtenir des passe-droits pour la constructibilité de leur terrain, avec, quelques billets versés dans un pot qui n’est sans doute pas trop commun. C’est ainsi à Saint-Avit-les-Monts. Les affaires vont aux affaires. Nouveaux et anciens riches ne se côtoient pas trop car ils n’ont pas tout à fait les mêmes valeurs, malgré, parfois, quelques points d’achoppement. Quant à Florent Seguin, rien ne le touchait vraiment, bien qu’il trempe parfois ses petits biscuits dans des eaux un peu troubles. Jean-Marie Blondieau survolait tout cela avec une belle aisance et une certaine plasticité due notamment à sa petite taille qui le menait un peu partout, telle une petite barque qui navigue sur des flots parfois houleux, mais jamais très dangereux pour lui, et sans grande lame de fond. Saint-Avit-les-Monts était à lui, et lui était à Saint-Avit-les-Monts. Ce petit gars du pays, qui avait connu une certaine réussite dans les affaires, bénéficiait d ‘une certaine indulgence des plus anciens du pays. Il arrivait, par quelques petits tours, à se mettre dans la poche quelques accourus en quête, eux aussi, de faire prospérer leurs petites affaires. Sans être expressément intéressés, il n’y avait rien d’innocent dans leur présence dans le petit monde des élus. Des élus d’autant plus facilement élus qu’avec une seule liste, ils ne pouvaient souffrir d’aucune concurrence. Et pouvaient, ainsi, jouir un peu de la puissance d’un système qui était rôdé depuis de nombreuses années. Et aussi, à Saint-Avit-les-Monts, on aimait bien les verres de l’amitié. Un pot de départ, une petite fête animée, une cérémonie pour anciens combattants, les vœux de la nouvelle année, la galette des rois et, pour certains, les troisièmes mi-temps du côté du stade de football. Hormis la fête des vins, de bonnes connexions étaient établies entre le rayon alcool de Monclair et certains administrés de Saint-Avit-les-Monts. A commencer par la municipalité, quelques élus, des agents municipaux, et les amateurs du club de football qui fêtaient défaites et victoires autour d’un pastis ou d’un verre de rosé-pamplemousse. Ces amateurs de football étaient de solides gaillards, et, souvent, parents des élèves de l’école. Pendant qu’ils jouaient au foot, leurs femmes s’occupaient des enfants, et de l’association de parents d’élèves pour siéger au conseil d’école. Des petites familles qui formaient d’autres familles au sein de Saint-Avit-les-Monts. Tout comme les agents municipaux qui avaient un contact direct avec ces administrés-là, et les voyaient souvent pour régler les factures de cantine, notamment, ou pour l’entretien de la pelouse du stade de football ou de la main courante qui entoure le rectangle de pelouse. Tous savaient faire preuve d’une belle dynamique et attestaient d’un certain apaisement entre administrés intéressés et membres de la municipalité. C’était une sorte de paix sociale entretenue par le policier municipal que l’on appelait, autrefois à Saint-Avit-les-Monts, le garde-champêtre. Cédric Tondu a un air jovial. C’est un brave garçon au teint rouge, aux yeux rieurs et au sourire un peu timide. Pas vraiment méchant, et surtout quelqu’un d’assez pleutre qui préfère laisser les administrés les plus difficiles aux gendarmes. Ses missions : verbaliser les contrevenants au code de la route, vérifier les papiers des jeunes cyclomotoristes et faire la circulation à la sortie des écoles. Avec la récente pose de caméras de vidéosurveillance, il est un bon auxiliaire pour les services de gendarmerie qui souhaitent visiblement traquer cambrioleurs et trafiquants de drogue. Parfois, il va voir quelques administrés pour surveiller quelques bonnes règles de voisinage, entre un tas d’herbe qui pourrait être prêt à être brûlé alors que c’est interdit par la loi, ou demander à un habitant s’il compte creuser une piscine sur son terrain à cause du tractopelle qui trône dans sa cour. Rien de forcément bien méchant, mais que certains peuvent mal prendre. Nonobstant, Cédric Tondu est un gentil garçon, un peu porté sur l’alcool, il faut bien l’avouer aussi. Son quotidien à Saint-Avit-les-Monts est un peu morne et sans coups d’éclat puisqu’il a peur d’affronter les vrais problèmes. Mais la commune l’avait équipé d’une arme, d’une voiture de service et d’un scooter pour qu’il puisse faire ses rondes dans les rues de la commune et veiller au grain. Surtout le grain qu’il ne faut pas moudre. Le moment le plus important de la journée : la ronde à la sortie de l’école, à ce que l’on appelle communément l’heure des mamans où l’on a besoin de lui pour faire la circulation, entre mamans et assistantes maternelles équipées de poussettes, et voitures qui viennent chercher les progénitures à l’heure du sacro-saint goûter. Après, à 17 heures, il lève le camp. Il a fini sa journée. Il connaissait beaucoup de monde à Saint-Avit-les-Monts et fréquentait souvent les membres des associations qui occupaient les équipements municipaux entretenus par les agents techniques de la commune. Tout un petit monde qui se connaissait et se côtoyait, très souvent masculin, en l’espèce. Ils sont tous un peu potes sans être réellement des amis. Des connaissances avec lesquelles on a quelques connivences et le même goût des petites fêtes bien arrosées sans passer pour autant par le bar du centre-bourg. Une petite économie parallèle avait vu le jour, entre les stocks d’alcool de l’entrepôt de Monclair, les agents des services municipaux et le club de football. Beaucoup profitent du système pour obtenir de l’alcool à pas cher. Pastis, whisky, bouteilles de rosé, les amis des barbecues des dimanches ensoleillés ou de samedis soir bien arrosés entre amis. On boit, on rit, on passe un bon moment avec de la marchandise peu chère puisque obtenue grâce à ce circuit parallèle. Pourtant, le rayon alcool de Monclair n’a jamais manqué de rien, comme si les stocks étaient presque inépuisables. Dès qu’une marque d’alcool manquait, aussitôt, le rayon était une nouvelle fois pourvu du chaînon manquant. Bières, vins, Champagne, whiskies, bouteilles de pastis, vins doux sucrés pour l’apéritif, liqueurs digestives, alcools de pays ou de l’étranger, il y en avait pour tous les goûts, à tous les prix, du pisse-dru au breuvage le plus raffiné réservé à quelques connaisseurs. Le bon goût à la Monclair se décline sous toutes ses formes alcoolisées. La quête de l’ivresse fait partie intégrante de ce rayon toujours particulièrement bien fourni auprès des meilleurs fournisseurs, toujours aux meilleurs prix, bien entendu.

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