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LA PULSATILE Pouls de récits fragmentés

Les totems de la commune

Nature et Culture
Les totems de la commune

Christine Prouteau est chargée des affaires scolaires. Ça tombe bien. Les deux écoles, refaites récemment, jouxtent la salle des sports qui accueille son club où les petits Avitiens et d’autres enfants de la région se précipitent pour s’essayer aux paniers. Christine Prouteau, tout le monde l’appelle Tinette au sein de l’équipe municipale, et surtout Jean-Marie Blondieau qui n’omet jamais de l’appeler ainsi en plein conseil. Un surnom qu’elle porte depuis l’enfance. Devenue secrétaire au sein d’Aurelcastel, un emploi où elle s’ennuie au service de l’état-civil, cette femme mariée à un autre passionné de basket portant chaîne en argent et gourmette, a deux enfants tout aussi passionnés de basket. Le plus grand a voulu faire de cette passion son métier. Ce qui a permis à Christine Prouteau de lui donner son premier emploi en l’embauchant en tant qu’aide moniteur au club, pour qu’il puisse passer son diplôme d’état d’entraîneur. Chargée aussi des affaires scolaires, Théo, son fils, intervient au sein de l’école élémentaire pour enseigner les rudiments du basket aux petits élèves. Pas un don ni un prêt, mais un échange de bons services entre le club et la commune. Pourtant apparemment peu sûre d’elle, notamment à cause des infidélités successives de son compagnon qui ont contribué à la fragiliser, Christine Prouteau est une bonne organisatrice, malgré un côté un peu gauche. Une voix fluette mais un visage fermé qui ne laisse passer que peu d’émotions, un fait accentué par ses cheveux raides, de vraies baguettes de tambour. Tinette a une vie bien remplie, comprise entre la mairie d’Aurelcastel, la salle des sports et les écoles de Saint-Avit-les-Monts. Elle passe toutes ses heures de loisirs sur le parquet pour voir jouer les basketteurs et faire la comptabilité du club, surveille les affaires scolaires et siège dans les commissions municipales. Plus qu’un job à temps plein pour cette femme apparemment gourde, toujours lasse dès qu’il s’agit d’accomplir ses tâches à Aurelcastel. On l’a souvent vue pleurer, puisque son compagnon avait jeté son dévolu sur une jeune de Saint-Avit-les-Monts, à laquelle il avait fait deux enfants. Ils formaient une sorte de triangle amoureux, et Aurélia, qui avait traîné ses jupes sur les bancs de l’école de la commune, ne comptait pas faire de la figuration, d’autant plus que sa mère était la secrétaire en chef de Saint-Avit-les-Monts. Un imbrioglio amoureux un peu inextricable mais au fil du temps, chacun avait trouvé sa place. Le trio partait même parfois en vacances ensemble, avec les enfants du compagnon de Christine Prouteau, un mâle affirmé, un peu vieux beau depuis le temps, un vieux beau vaguement sportif puisque lui aussi se passionnait de basket, mais depuis le banc de touche. Il tient également la caisse contenue dans un tiroir. Une famille tuyau de poêle adepte des rebonds pour viser juste dans le bon panier et marquer quelques points. La famille des basketteurs qui aiment le parquet de la salle des sports de Saint-Avit-les-Monts, qui avait donc amené Christine Prouteau a devenir l’adjointe de Jean-Marie Blondieau. Car c’est souvent dans le tissu associatif que les élus trouvent leurs futures recrues, entre parents d’élèves, dirigeants ou entraîneurs de clubs sportifs, et vieux militants, un peu anciens combattants des anciennes équipes municipales. C’est leur dévouement qui était souvent loué par Jean-Marie Blondieau. Un dévouement apparemment désintéressé dans l’intérêt général des affaires communales. Mais certains élus habitants d’une rue voyaient souvent leur cadre de vie changer. Les réseaux étaient enfouis, les lampadaires étaient changés. Certains même vendaient leurs ordinateurs à la commune. C’est le cas de Christophe Gougère, élu et petit commerçant, patron du magasin O’Petit Clic Informatique. Six mois à peine avait-il été élu qu’il avait pu racheter la petite épicerie du centre-bourg pour y installer son magasin d’informatique. De réputation lente, Christophe Gougère avance surtout à pas de loups. Il avait déjà vendu à la commune des tablettes tactiles pour les enfants de l’école maternelle, quelques ordinateurs pour l’école élémentaire. Et, depuis peu, tout le parc informatique de la mairie avait été renouvelé par ses soins. Évidemment, le service après-vente était compris. De quoi lui assurer un tout petit marché sur une commune qui sait compter les millions que lui rapporte Monclair. C’était une façon d’aider le petit commerce local de centre-bourg, de le soutenir car, en l’occurrence, l’adjointe en charge des relations avec les commerçants était elle aussi commerçante, et artisane. Son salon de coiffure avait été installé dans l’ancien café qui, autrefois, était ouvert sept jours sur sept, y compris le dimanche, puisqu’il fonctionnait bien à la sortie de la messe. Maintenant, les fidèles clientes de Carina l’ont suivie dans le centre-bourg de Saint-Avit-les-Monts, qui avait par ailleurs été réaménagé grâce à la générosité de la communauté de communes. Des places de parking avaient été créées, un nouveau revêtement et des petits pavés glissants donnaient l’illusion de l’ancien. Mais les lampadaires trahissaient le goût du neuf des élus. Des lampadaires tout droits, gris, qui n’avaient rien de stylisé ni de contemporain, mais d’un classique et d’une banalité confondante pour une commune que l’on nommait autrefois le Neuilly d’Aurelcastel. Carina était plutôt du goût de Jean-Marie Blondieau avec ses cheveux bouclés, son aspect légèrement apprêté et, surtout, un caractère qui paraît peu affirmé et sûr de lui. Une autre femme qu’il a voulu mettre en avant pour la remercier d’avoir fait le lien entre la commune et les autres commerçants du centre-bourg qui avaient perdu de nombreux clients pendant la rénovation de leur lieu de commerce. Des très mécontents qui ont aussi su se taire lorsque la presse est venue les interroger, d’anciens élus passant par là pour dire de ne pas trop parler aux journalistes et exprimer leurs mécontentements. En off, certains disaient tout de même que tout, à Saint-Avit-les-Monts, était fait pour Monclair. C’était d’ailleurs le cas de la tenancière du café du bourg du centre qui accueillait tous les jours les fidèles piliers de l’équipe municipale, dont Jean-Marie Blondieau et Florent Seguin qui avait tout de même besoin de ce commerce pour dédicacer quelques-uns de ses polars.

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